Fiche 6 : maîtriser l’eau et améliorer l’éclairage public

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Au cours de la première moitié du XIXème siècle, l’idée de santé publique apparaît avec le développement des villes où l’on constate souvent une surmortalité humaine. Les médecins d’alors considèrent que la santé de l’homme tient beaucoup à l’environnement dans lequel il vit et non au rôle joué par les microbes découverts plus tard par Louis Pasteur. Bourges demeure une « ville humide » par excellence, en raison des marais et du grand nombre de rivières qui l’entourent et qui convergent vers elle. Au XIXème siècle, l’amélioration de l’environnement urbain et de l’hygiène publique ainsi que la maîtrise de l’eau deviennent des préoccupations constantes des municipalités berruyères.


Sous la Restauration, Bourges ne possède pas d’égouts et la population continue de jeter les eaux usées dans la rue. En 1827, le docteur François Rhodier signale que les « vapeurs méphitiques et putrides » dégagées par les marais sont responsables des fièvres estivales dont sont victimes les berruyers de la ville basse, voisins des eaux (document 34). Les 135 hectares de marais de l’Yèvre et de la Voiselle sont alors perçus comme des marécages incultes et malsains.


Au XIXème siècle, la construction du Grand canal de dessèchement et du réservoir des Quatre pelles (document 36) permettent d’assainir les marais et de réguler les inondations. C’est au cours de cette période que le regard porté par les hommes sur les marais change : présentés comme sains et productifs, ils rappellent à l’homme que celui-ci a réussi à maîtriser la nature. En 1901, le journaliste Ardouin-Dumazet visite les marais de Bourges en chaland et considère qu’ils offrent l’image d’un milieu convivial et de promenade, composé d’un lacis de canaux et de multiples jardins privés (documents 35 et 2b). Sur les rivières, les jardiniers font glisser leurs barques plates garnies d’une production de légumes et de fleurs.


On cherche aussi à domestiquer l’eau sauvage afin d’assurer les besoins en eau de la population. Dès 1860, la municipalité conçoit un projet de distribution d’eau potable afin de faire face à l’accroissement de la population berruyère. Pour autant, les puits communs, très courants au XVIIIème siècle, continuent d’être utilisés par nombre de berruyers jusqu’au XXème siècle (document 38). A partir de 1863, le maire de Bourges Pierre Planchat (voir document 16) autorise les travaux de construction d’une station de pompage et d’un château d’eau d’une grande contenance. Ceux-ci sont coordonnés par l’un de ses adjoints, l’ingénieur en chef Paul Bourdaloue.


Inauguré en 1867, ce bâtiment contient deux cuves superposées d’une capacité de 1 600 mètres cubes chacune, se situant sur une hauteur de la place Séraucourt, près de la rivière d’Auron (document 37). Afin de « décorer » cette grosse tour ronde de 29 mètres de diamètre et de 14 mètres de hauteur –selon les termes employés par la municipalité berruyère – la façade circulaire de l’arrière du réservoir est recouverte d’un assemblage de briques rouges et de pierres blanches, œuvre de l’architecte A. Tissandier. La façade principale bénéficie d’une fontaine monumentale sculptée de style néo-classique réalisée par l’artiste berrichon Dumoutet. L’espace du château d’eau est aménagé en jardin public. Pour que le nouveau monument puisse être vu de loin, en particulier de l’extrémité nord de la place Séraucourt, on réalise un tracé rectiligne qui se confond avec le réseau d’adduction d’eau. Rapidement, le château d’eau devient le prestigieux reflet de l’institution municipale. Désaffecté en 1940, il est inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1975.


Pour améliorer le bien-être des berruyers, on cherche aussi à moderniser l’éclairage public. Une usine fabriquant du gaz d’éclairage à base de houille est crée en 1840 dans le faubourg d’Auron (document 40). Détenue par les établissements de la Guillotière-Vaize, elle se situe sur le chemin de Bourges à Marmagne (actuelle rue Louis Mallet). Le charbon utilisé est acheminé par péniches sur le canal de Berry puis jusqu’à l’usine. Le gaz distillé et épuré est ensuite stocké dans un gazomètre avant d’être distribué dans la ville.


En 1842, 40 réverbères et lanternes à gaz apparaissent à Bourges et remplacent les anciens réverbères à huile peu efficaces (document 39). On en dénombre 359 en 1869. Une deuxième usine à gaz est mise en service en 1880 afin de faire face à l’accroissement de la production, due essentiellement à la consommation domestique des berruyers. Le 3 février 1912, l’opposition socialiste au conseil municipal de Bourges refuse d’adopter deux traités de concession attribuant le gaz et électricité de la ville pour 42 ans à la Société de Distribution Régionale d’Énergie, dont les prix sont considérés comme prohibitifs (document 41). En 1946, l’usine à gaz est nationalisée et passe sous le contrôle d’Électricité de France /Gaz de France : celle-ci met fin à son activité en 1950.


A partir des années 1860, la consommation de gaz et d’eau s’est donc considérablement accrue du fait de l’augmentation de la population berruyère qui passe de 28 000 habitants à plus de 45 000 en 1891. Ce fort accroissement du nombre de berruyers est la conséquence directe de l’installation des Établissements militaires à la même période (voir fiche 7).